Remise de la médaille de vermeil de la Ville de Paris au Professeur émérite Haïm-Vidal Sephiha

Lundi 4 novembre 2013, devant une assistance d’environ 150 personnes composée en majorité de judéo-espagnols, s’est déroulée dans le salon Bertrand de l’Hôtel de Ville, la remise de la médaille grade Vermeil de la ville de Paris par Anne Hidalgo, Première Adjointe au Maire de Paris au Professeur émérite Haïm-Vidal Sephiha.

« Anne Hidalgo a évoqué son érudition, sa déportation à Auschwitz, la tragédie qui a affecté sa famille et son retour, à la mort de sa mère en 1950, à l’étude du judéo-espagnol »

Plusieurs personnalités étaient venues y assister. Aux côtés de l’ambassadeur d’Espagne à Paris, M. Carlos Bastarreche Saguës et de M. Jose Andres Gallegos, Ministre Conseiller  de l’ambassade d’Espagne, on notait la présence de M. Elad Ratson représentant l’ambassadeur d’Israël,  de M. Roger Cukierman, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, de Madame Marie Christine Lemardeley, présidente de l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle et MM. Edmond Elalouf et Raphy Marciano, respectivement président et directeur du Centre communautaire de Paris ainsi que plusieurs élus parisiens.

Dans son discours de remise de la prestigieuse médaille, Anne Hidalgo a d’abord tenu à souligner les circonstances de la cérémonie en parlant « d’un moment très particulier ». Elle a ainsi déclaré être : « émue et très honorée d’être là pour accueillir ce grand professeur dont la vie est une leçon pour beaucoup d’entre nous. ».

La cérémonie fut en effet très amicale tout en restant protocolaire. Madame Hidalgo a d’emblée exprimé sa proximité avec les Judéo-Espagnols : « Je comprends tout lorsque l’on parle en judéo-espagnol, je me sens, de ce fait là aussi, des vôtres. »

Dans sa description du  parcours de vie du récipiendaire né en 1923, « qui fait l’honneur et la grandeur de notre ville »,  Anne Hidalgo a évoqué son érudition, sa déportation à Auschwitz, la tragédie qui a affecté sa famille et son retour, à la mort de sa mère en 1950, à l’étude du judéo-espagnol, « un geste profondément émouvant d’hommage à (ses) proches disparus, mais aussi un geste de combat , pour que l’héritage de cette langue et cette culture, après l’abomination de la Shoah, puisse survivre, perdurer et ne pas sombrer dans l’oubli.»

L’œuvre considérable de Haïm-Vidal Sephiha témoigne du fait « qu’il est l’incarnation même de la culture judéo-espagnole, une culture vivante, le gardien de cette mémoire. » Ce message humaniste  qu’il délivre est pour une « parisienne née en Andalousie  une source puissante d’inspiration. »

Pour conclure, Anne Hidalgo a tenu à souligner combien elle appréciait que Haïm-Vidal Sephiha ait mis la bienveillance au cœur de sa pensée.

Dans sa réponse, en commençant par exprimer « son grand merci », Haïm-Vidal Sephiha a naturellement débuté en parlant de Paris et évoqué le livre d’Évelyne Lagardet, « Un rêve français » pour confirmer que les Juifs de l’Empire ottoman, de Turquie et du Maghreb nourrissaient un rêve : « se trouver ici, au centre de la France, à Paris.» Ce fut le cas de son père arrivé d’Istanbul à Paris en 1907 et son mariage à la synagogue dite orientale en 1914 rue Popincourt dans le 11ème arrondissement de la capitale.

Évoquant très brièvement son passé douloureux, il se devait de mentionner « deux dates, qui nous hantent, nous Juifs et particulièrement les Judéo-Espagnols, l’une étant l’anagramme de l’autre ou plutôt l’anarythme : 1492 et 1942. Pour l’une, l’expulsion d’Espagne, mais la survivance des Judéo-Espagnols et pour l’autre, la solution finale décidée à Wannsee. »

Revenant sur le thème de la langue, il était important pour lui de rappeler que « partout où les Juifs ont vécu ou été reçus, ils ont eu le même souci pédagogique de transmettre le savoir biblique et liturgique nécessairement par la langue du pays.» Là  où les Juifs se sont installés, les diverses langues ont ainsi leurs « conservatoires » qui contribuent à l’histoire de leur langue. Ceci est vrai pour de nombreux pays  – en France, avec les gloses de Rachi – et naturellement en Espagne. « La richesse de notre héritage est considérable et nous pouvons dire que nous ramenons aujourd’hui à l’Espagne tout ce que nous avons conservé. Nous offrons ce trésor linguistique à l’Espagne. »

Enfin, s’adressant à ses amis très nombreux, il a tenu à les remercier très chaleureusement en rappelant que du fait de la Shoah sa connaissance de la langue avait été tronquée, mais, que grâce à eux, il avait pu la retrouver. Il a ainsi déclaré avec beaucoup d’émotion : « C’est vous qui avez nourri ma langue et mes recherches. » Il a conclu par un poème en judéo-espagnol du Grand Rabbin d’Istanbul, Haïm Bejarano mort en 1931.

Michel Azaria

Photo : Maurice Soustiel