Texte pour Pourim par Rosina Karato

Textes sur Pourim

Rosina Karato qui vit aux Etats-Unis a écrit :


Quand j’étais petite nous vivions à Istambul. On habitait dans une rue en pente qui s’appelait le « kal de Frankos »  rue de (La Synagogue des Français) parce que plus bas se trouvait « le kal de los Italianos »  rue de (la Synagogue des Italiens) . Dans cette rue, il y avait des boutiques où l’on vendait de tout. On y trouvait aussi des « orneros » des boulangers.

Lorsque c’était la semaine de Pourim (ce que je vous raconte date d’il y a 50/55 ans) les boulangers mettaient dans leurs vitrines des douceurs qui s’appelaient « mavlachas » certaines avaient une forme de ciseaux, on les donnait aux filles. Celles en forme de « shadayes » chadai, on les donnait aux garçons. Elles étaient remplies de « sharope blanco » confiture  blanche, faite avec du sucre et par-dessus, il y avait des raies colorées.

(Arlette me dit que sa grand-mère faisait des raies roses avec de la pâte à base de confiture de rose et verte à partir de pistaches.)

Pendant que nos mères étaient entrain de préparer des petits plats à donner aux voisins, ceux-ci nous en apportaient d’autres. C’était à celles qui feraient les meilleurs biskochicos et les douceurs les plus variées. On voyait de la fenêtre chaque enfant qui avait un « chinis » un plat (mot tuc) qu’il tenait à la main et se rendait chez les voisins. Sais-tu pourquoi les enfants allaient apporter les plats ? C’était pour prendre des purimlik (cadeaux faits à l’occasion de Pourim) qui étaient surtout des « groshes » des pièces  en chocolat. C’était pour nous aussi précieux que des pièces en or. »

Voilà. C’étaient les souvenirs d’une Stambouliote.

 Maintenant, voyons les souvenirs d’un habitant de Smyrne qui actuellement vit en Israël et  qui se nomme Selim Assado.

Il écrit de cette façon :

– Moi, j’ai connu  les oreilles d’Aman, depuis que je vis en Israël. Dans mon quartier d’Izmir, il y avait d’autres choses qui caractérisaient la fête de Pourim. Il n’y avait pas une seule maison qui n’avait une Méguilah de Pourim cachée quelque part. On lisait le texte la nuit de Pourim soit dans la Kehila (Centre Communautaire) ou dans le cal (la synagogue).

Certains avaient une Meguila avec une boite en argent pour la protéger (kuti de plata), brodé d’un filigran, brodé d’un fil de métal, mais certains avaient aussi des boites en bois ou en carton.

Lorsque le Hazan de la Syna lisait les noms des fils d’Aman, il devait lire, vite, vite. Les enfants  tapaient des pieds par terre pour que ces noms n’arrivent pas à leurs oreilles, car leurs noms étaient associés au mal qu’avait voulu faire leur père «  Aman arasha » Aman le mauvais, au peuple juif.

 « El raashan » la crécelle, cet instrument  qui fait du bruit, c’est en Israël que je l’ai vue pour la première fois. Ce que les Ashkenazes font avec la crécelle, nous le faisions avec les pieds.

Les oreilles d’Aman, c’est un biscuit en forme de triangle « les umentashen » en yiddish. Ils n’existaient pas chez nous. Il y avait la forka d’Aman formé avec de la pâte de resha, sorte de biscuit. On  confectionnait ces gâteaux pour se rappeler de l’individu qui avait voulu mettre fin à la vie de notre peuple.

En dehors de cela il y avait la Shaliya et les pinyonates, les dents d’Aman et ses moustaches. Tout cela était fait à la maison. De toute façon il n’y avait pas de pâtissier juif qui aurait pu les confectionner. Les buiscuits, les maronchenos et des mogades (masapanes de Istanbol se commandaient chez Toranto ou chez le Shkerdji Israël.

C’était courant que les femmes préparent des plats à base de pois chiches qui cuisaient dans le four du boulanger pendant 24h. Elles  confectionnaient aussi des boyos, borrekas et des roska pour le shabbat. On les mettait sur des grands plateaux et on allait les porter chez le boulanger pour la cuisson.  Pour qu’ils ne se mélangent pas avec les plateaux des autres, on y mettait un signe distinctif. Chez nous c’était une coquille d’œuf, dans un coin du plateau.

Le purimlik de Pourim était une somme d’argent que les parents et grands-parents donnaient pour qu’on s’achète ce qu’on voulait. Le rituel était d’aller chez le grand père, on devait lui embrasser la main pour le recevoir.

A la maison, il était d’usage qu’en sortant de la syna après la lecture de la Méguila on recevait le purimlik des parents. Ce n’était pas une grande somme. Par contre dans les familles plus riches les enfants pouvaient recevoir, pour les garçons, une bicyclette, pour les filles une poupée. Ce qui faisait leur joie.

Il n’y avait aucun enfant qui ne connaissait  l’histoire de Pourim.  Il y avait Mordehai, Esther et en face d’eux Assuérus. On devait les convaincre qu’Aman était  mauvais,  méchant, celui qui voulait tuer tous les Juifs, un antisémite. Puis on nous dit comment les Juifs sont devenus heureux et firent la fête quand Aman a été la risée de tous, lorsqu’il marchait dans les rues de la capitale.

Pourim était  la seule fête où il y avait un bal, où l’on se déguisait. Certains avec des karatulas (masques ?) certains avec des habits de femmes, d’autres avec des habits d’hommes avec une cravate. (habillés à l’européenne). Je me souviens que j’avais un fez que je m’étais dessiné une barbe et de la moustache sur le visage avec du bouchon brûlé, le charbon noir servant de maquillage.

Personne ne portait l’habit d’Esther ou d’Assuérus. Alors que ça se fait en Israël. Personne ne déambulait dans les rues. On se déguisait seulement à l’intérieur des maisons.

La fête de Pourim était surtout pour les petits. Personne ne buvait  ni ne s’ennivrait. J’avais entendu dire que chez les plus observants, ceux qui s’appelaient Esther et Mordehaï  devaient jeûner. Ce qui est vrai c’est que depuis que nous vivons en Israël, le mois de Roch Hodech Adar, le mois d’Adar on sent qu’on entre dans le mois de la joie.

On voit, le 14 Adar dans les rues, les enfants déguisés, Assuérus, superman, en policiers, général et pour les filles en Esther, en danseuses et d’autres …

Les supermarchés regorgent d’ « oznei Aman ». Mais cela n’a pas le goût de ce qui se faisait dans nos maisons.

Dommage, c’est un monde qui n’existe plus.

Voici comment se terminent les souvenirs de Selim Amado, Izmirli d’Israël.

Traduction d’Angèle SAUL et Arlette PEARL, sa cousine âgée de 81 ans qui vit en Israël, près de Rehovot.

Au téléphone, ce jour du 8 février 2013 – décédée le 11 février 2019.